Une fois de plus, le printemps a donné lieu à de nouveaux projets de voyages. Et c’est assez naturellement que j’ai jeté mon dévolu sur la région de Naples, en Campanie. Tout d’abord, les idées véhiculées sont vraies. Le Sud de l’Italie n’est pas son Nord et inversement. Passer une semaine dans la baie de Naples est l’occasion de s’imprégner des grands contrastes qui caractérisent ce petit bout d’Italie, entre l’effervescence de la circulation napolitaine et le calme relaxant des petites rues escarpées de l’île de Capri. Contraste qui se retrouve également entre les façades magnifiquement ocre ou jaune des palais napolitains et les ruelles étroites du centre historique de Naples caractérisées par le gris de ses habitations. Conseils pris auprès de plusieurs amis qui l’avaient déjà visitée, Naples est loin de faire l’unanimité, un peu à l’image de Téhéran – tantôt adulée, tantôt détestée. Certes, la ville, fondée il y a plus de 2 500 ans, est parfois sale et souffre d’une réputation sulfureuse, entachée de mafias, mais aussi et surtout depuis la « crise des déchets ». Néanmoins, certains quartiers de Paris offrent aujourd’hui la même image. Au final, le visiteur est sans doute quelque peu surpris de voir que la situation n’est pas aussi catastrophique que celle qu’il a pu imaginer. Tout en flânant dans ses rues, il est aisé de réaliser que Naples a connu son heure de gloire. Plusieurs bâtiments en attestent, même si leur conservation laisse parfois à désirer – notamment au niveau des façades – dont les couleurs chatoyantes sont brûlées par le soleil. Oui, l’Italie du Sud a bel et bien rivalisé avec l’Italie du Nord. La Galleria Umberto I offre d’ailleurs une ressemblance frappante et saisissante avec la Galleria Vittorio Emanuele II à Milan. Sans parler du Duomo, cathédrale gothique aux vastes dimensions ou encore mon coup de cœur pour les riches collections du Musée archéologique national qui rassemble sans doute la plus importante collection d’œuvres gréco-romaines au monde, grâce à l’extraordinaire collection Farnèse, également alimentée par les fouilles des sites de Pompéi et d’Herculaneum. Difficile de rester insensible à la beauté naturelle de la Vénus callipyge, de l’Artémis d’Ephèse ou des nombreuses mosaïques et fresques issues des villas ensevelies sous les cendres du Vésuve, parfois pendant plus de 2 000 ans. Sans oublier les œuvres érotiques du « cabinet secret ».
Pompéi laisse pourtant un goût mitigé dans la bouche. Situé à seulement 30 minutes de train de la gare centrale de Naples, le site manque d’explications claires, d’indications et de reconstitutions. Cet immense site, écrasé sous le soleil et la chaleur, rapidement envahi par le tourisme de masse dès les premières heures d’ouverture, souffre d’un manque d’entretien et de conservation criant. Fort heureusement, quelques bijoux permettent de s’immerger dans le faste de la Rome antique, notamment les thermes, l’amphithéâtre, la grande palestre ou encore le lupanar. Située à quelques centaines de mètres de l’une des entrées de Pompéi, la villa des Mystères est aussi l’un de ses véritables trésors. Extraordinairement conservée puis restaurée il y a quelques années, la demeure était étrangement calme lors de ma visite, ce qui rendait le lieu encore plus appréciable. A mi-chemin entre Pompéi et Naples, je te recommande de t’arrêter à Herculaneum pour visiter les ruines de la cité. Beaucoup moins fréquenté que Pompéi, le site est malheureusement un grand chantier où beaucoup de demeures sont en cours de rénovation urgente. Le plus émouvant reste la fin de la visite : en bas des remparts de la ville, sous la douzaine de voûtes qui servaient de hangars à bateaux, de nombreux squelettes d’habitants jonchent le sol. Cherchant sans doute à fuir ou à s’abriter à tout prix, figés dans leur ultime position, sans aucune marque de fracture ou de traumatismes, ils témoignent de l’instantanéité du cataclysme qui s’est abattu sur la petite cité portuaire. Ces deux vestiges de Pompéi et Herculaneum, tout droit sortis d’un autre millénaire constituent véritablement une richesse inestimable sur la connaissance de la civilisation romaine, grâce à la conservation exceptionnelle des matériaux et œuvres d’art, notamment les fresques et les mosaïques, mais aussi d’œuvres littéraires, dont les papyrus de la bibliothèque de la villa éponyme.
La découverte de la baie de Naples n’aurait pas été complète sans la visite des trois îles qui la composent : Ischia, Procida et Capri. La plus célèbre d’entre elles, popularisée par une chanson d’Hervé Vilard a plusieurs aspects. Un port et une ville basse plus fréquentés que le Mont-Saint-Michel en plein été. Ses criques calcaires offrent néanmoins des eaux turquoises d’un bleu azuréen, éloignées de toute agitation et dignes des plus belles cartes postales. Une fois éloigné de toute cette agitation, des rues et sentiers parfois raides mènent aux ruines de la démesure de la villa Jovis. L’occasion d’apprécier la richesse de la flore et de la faune de Capri, île fleurie de lauriers roses et de jasmin, d’abricotiers, de pêchers ou encore de citronniers. Je ne m’attarde pas sur la Grotta Azzurra qui est une visite onéreuse et un vaste cinéma comme seuls les Italiens en sont capables. Il est préférable d’emprunter le service d’autobus de l’île en empruntant une route étroite aux multiples virages en épingle à chevaux pour rejoindre Anacapri et visiter la très reposante villa San Michele, dont les jardins luxuriants offrent une vue plongeante sur une bonne partie de l’île et sur la baie de Naples. Deuxième traversée en bateau, je n’ai pas eu de coup de cœur franc pour l’île d’Ischia, malgré là aussi une belle visite de La Mortella, élu plus beau jardin d’Italie dans les années 2004, grâce à ses nombreuses essences tropicales et méditerranéennes. Ultime île de la baie de Naples, Procida est certainement la plus authentique et la plus calme du trio précédemment cité. Ne manque sous aucun prétexte la vue depuis la via Borgo, située sur les hauteurs de l’île, avec une vue panoramique sur Naples et la mer à perte de vue, ainsi que la vue depuis la Salita Castello sur les maisons riches en couleurs de la Marina della Corricella. S’il te reste une journée à consacrer, je te conseille également de te rendre au nord de Naples, à Caserta, où se trouve la plus grande résidence royale au monde et appartenait à la famille des Bourbons du Royaume des Deux-Siciles. Son escalier monumental ainsi que ses appartements concurrencent fortement Versailles. Son parc, ponctué de fontaines, de bassins et de cascades artificielles s’inspire également du néo-classicisme à la française. Quant à son jardin anglais, il accueille le visiteur dans un véritable havre de paix et de mysticisme. Un lieu où un habile jeu de lumière mêlé à une végétation luxuriante – rendue possible grâce à une maîtrise de l’eau – récréent une atmosphère unique et indescriptible au cœur des ruines du cryptoportique ou du temple romain, sous le regard candide de Vénus prenant son bain. Indubitablement le point d’orgue de cette semaine passée dans la baie du Vésuve.