La vie est éphémère et fragile. Cette dure réalité que je pensais lointaine m’est revenue en pleine face, sans crier garde, lors de ton décès. L’existence me semble difficile en ce mois de mai 2019 alors que la vie a décidé de nous séparer. Un au revoir ne signifie pas adieu. Le soleil et les arc-en-ciel réapparaissent toujours, et ce même après chaque averse de pluie ou une fois la violence des soirs d’orages terminée. Les heures et les jours qui se sont écoulés m’ont semblé longs mais te savoir finalement en paix, est un soulagement. Le temps fera son œuvre. Il me suffit pourtant de fermer les yeux, même un court instant, pour te retrouver. Je n’oublierai pas ta voix, ni tes yeux bleus. Car l’amour qu’un père porte à son fils ne disparaît jamais. Un détail, un souvenir, une anecdote, une photo. Les larmes que je verse aujourd’hui laisseront place aux sourires et au bonheur d’avoir partagé 32 années avec toi. J’aurais aimé en vivre plus avec toi mais j’aurais pu en vivre beaucoup moins aussi. Je n’oublie pas la dernière fois où tu es venu à Paris. C’était en août 2018. Nous nous sommes promenés au Jardin des Plantes, dans la Grande Ménagerie, puis avons visité la Grande Mosquée de Paris et nous avons fini dans le quartier Saint-Michel en admirant les tours de Notre-Dame de Paris, encore intactes à cette époque. Je me rappelle encore de ce jeudi 18 avril 2019 où j’ai entendu ta voix au téléphone, sans savoir qu’il s’agirait d’une dernière fois. Nous n’étions pas forcément d’accord sur tout et ne partagions pas la même vision de la vie. Et pourtant, il y a eu ces 32 années d’un soutien et d’un amour inconditionnel. Quoique je fasse, qui que je sois, où que je sois. Tu étais là, de près ou de loin, à ta façon, sans juger, sans compter.
Défilent aujourd’hui des extraits de vie en vrac, qui se bousculent sans ordre véritable. Quand nous passions les mercredis et dimanches après-midi ensemble, dans une maison de l’agglomération rémoise. En compagnie d’un grand berger allemand, plein d’affection, qui dévorait mes goûters sur la table de la salle à manger. Ces films que j’ai vus et revus des dizaines de fois avec toi. Cette Renault Nevada blanche qui sillonnait les routes de la région et nous emmenait partout. De ces mercredis et ces dimanches que nous passions ensemble chez ta tante ou ta famille dans les Ardennes. L’odeur des clémentines et des pâtes de fruits chez ma grand-mère à Reims. Des innombrables moments que nous avons partagés dans la grande cour de l’école d’un village de la campagne viticole champenoise, avec ton frère et ma marraine. Des 400 coups que je réalisais avec mes cousins pendant que vous aviez le dos tourné. Des vacances sur la côte Atlantique que tu aimais tant. Des excursions dans les parcs d’attractions ou encore des randonnées en vélo, par les journées caniculaires d’été, avec pour seul horizon les forêts et les champs de blé, parsemés de coquelicots, de bleuets et d’herbes folles. Sans oublier une rue bordée de tilleuls, dans un village paisible, au sud de l’Aisne. C’est là que j’ai appris à connaître et à apprécier énormément la femme avec qui tu as tant partagé pendant plus de deux décennies. C’est du Mexique à l’Égypte, de la Thaïlande à la Tunisie, de l’Irlande au Portugal, que vous avez vu le monde ensemble. Et toujours au fil du temps, il y avait cette maison, au toit d’ardoise et aux pierres meulières que tu as tant aimée et pour laquelle tu as tant consacré de temps et d’efforts pour la rendre toujours plus belle et toujours plus accueillante pour nous tous. Elle me semble désespérément vide aujourd’hui.
Je peux te réaffirmer que je n’ai jamais manqué de rien. Tu m’as toujours gâté. Pour Noël, à chaque anniversaire et pour mes études. Mon premier vélo, mon premier téléphone portable, mon premier ordinateur portable, c’était toi. Toi qui m’as permis de faire le métier que j’ai aujourd’hui. Tous ces aller-retour à Bruxelles que nous avons réalisés ensemble. Aussi en 2013, quand tu as répondu présent pour le début d’une nouvelle vie qui est désormais mienne à Paris. Me voir m’éloigner t’a sûrement peiné mais tu étais heureux que je mène cette vie bien remplie. Malgré les aléas de la vie, je suis heureux du chemin que j’ai parcouru jusqu’à maintenant et de t’avoir rendu si fier. Je continuerai même si tu n’es plus là. Car les souvenirs eux, restent. Cette liste de moments heureux est longue car il en existe énormément. À mes yeux, tu es et restes un Papa plein d’humilité et de gentillesse, de passion pour la nature et les animaux, sans oublier l’équitation, le jardinage, le bricolage, la mécanique, le dessin industriel ou encore la chasse. Un Papa incollable sur l’histoire de Reims, de ses quartiers. Un Papa captivé par la richesse des paysages du vignoble de Champagne et de la montagne de Reims. Un Papa passionné par la Première Guerre Mondiale et le Chemin des Dames. Alors oui, encore aujourd’hui, je suis heureux de ce que tu as été, avec tes faiblesses et tes forces. Tes angoisses et tes peurs. Ces dernières années n’ont pas été faciles. La vie a placé la maladie sur le chemin de nombre de tes amis. Et c’est toi qu’elle a décidé d’emporter si rapidement. Depuis que tu as poussé ton dernier souffle, à Paris ici ou ailleurs, j’aime à regarder le ciel et me dire qu’une étoile de plus veille sur moi. Quoique que tu aies pu en penser, tu as été et es pour toujours un Papa unique. Mon père. Tu n’as pas à rougir des hauts et des bas de ton parcours. Sache que nous restons nombreuses et nombreux à penser à toi et à t’aimer. Moi le premier.
Navré pour toi Anaël, je n’ai pas la moindre idée de ce que tu traverses, mais je sais l’expérience assez particulière…
courage. Toutes mes pensées sont pour toi.