Nous ne sommes pourtant qu’à 5 mois de l’élection présidentielle et je frôle presque l’overdose d’hommes et de femmes politiques à la télévision, dans les journaux ou encore à la radio. Et pourtant, j’avoue que je suis allé participer, presque joyeusement, à la primaire de droite et du centre. Oui, je l’avoue. Moi, l’électeur de gauche qui n’a jamais rien glissé d’autres dans les urnes que le nom d’un candidat ou d’une candidate du Parti socialiste ou d’Europe Écologie, je suis allé glisser un bulletin pour Nathalie Kosciusko-Morizet au 1er tour et pour Alain Juppé au 2ème tour. Tu me demanderas : « À quoi bon ? Tous les mêmes« . Pourquoi avoir été enrichir les Républicains de 4 euros, soit plus de 26 pains au chocolat made in Jean-François Copé ? Tout simplement parce que le programme de François Fillon est une hérésie à mes yeux, pour la France, mais aussi pour mes valeurs. 100 milliards d’euros d’économies sur la durée du quinquennat tout en promettant 40 milliards d’euros de baisses d’impôts aux entreprises et 10 milliards d’allègements fiscaux sur les ménages. Encore un immense cadeau au patronat, notamment aux grandes entreprises qui bénéficient grassement d’optimisations fiscales pour payer toujours moins d’impôts mais seulement pour enrichir les actionnaires. Ce soir, je regarde la carte des circonscriptions électorales qui ont le plus voté pour François Fillon : il s’agit des des territoires les plus ruraux, notamment du Nord et de l’Est de la France. Je ne comprends pas comment cette population qui souffre déjà le plus de la fermeture des bureaux de Poste, des centres des impôts, de la désertification médicale ou encore de l’éloignement des centres de formation et des bassins d’emploi cautionne le programme de l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy. Détruire 500 000 postes de fonctionnaires ne fera qu’accentuer le problème et contribuera encore plus à l’isolement de ces territoires. Bien sûr, j’aurais pu glisser un bulletin marqué François Fillon et ne penser qu’à ma pomme. Après tout, en tant que « bobo parisien », je sais très bien que ce ne sont pas les trois bureaux de Poste à moins de 5 minutes à pied de chez moi, ouverts de 8h à 20h, qui fermeront définitivement. Alors pourquoi le sale Parisien que je suis devrait se soucier de ces territoires délaissés, de ces beaufs, de ces gens dans la détresse sociale combinée à une misère financière qui ne font que s’accentuer ? Parce que justement je ne cautionne pas cette casse annoncée du modèle français, à l’heure où une grande partie de nos citoyens a plus que jamais besoin de justice sociale et de solidarité à travers notre système de redistribution des richesses – certes perfectible. À ceux qui s’élèvent justement contre les bobos parisiens et des grandes métropoles régionales, je leur réponds que vous avez bien plus à perdre que moi dans l’application de ce programme de véritables bourgeois, riches, catholiques, ultra-conservateurs et totalement décomplexés.
Votre programme, Monsieur Fillon, fait la part belle au combat d’une mesure phare de Martine Aubry : l’abolition des 35 heures pour revenir aux 39 heures et le report de l’âge légal de départ à la retraite. Dès lors, je vous pose une question simple : comment est-il possible de lutter contre le chômage, déjà élevé, avec ces deux mesures ? C’est aussi oublier quels fantastiques gains de productivité nous avons réalisés en France pour faire en 35 heures ce que des salariés font en 39 voire 42 heures par semaine dans d’autres pays. C’est également mettre de côté la jeunesse qui ne demande pas mieux que de travailler mais n’arrive pas à décrocher même un vulgaire CDD, en ayant pourtant étudié pendant 5 années ou plus à l’université, en alternance, sur des secteurs porteurs tels que le droit, l’économie numérique ou encore la programmation informatique. Oui, ce que j’énonce ici est la réalité Monsieur Fillon. Et pour les plus chanceux d’entre nous qui peuvent se rendre au travail chaque matin, les 4 ou 7 heures de plus que nous passerons par semaine au travail seront tout autant de recettes de TVA et d’emplois en moins. Impossible en effet de travailler et d’aller cinéma, d’apprécier un bon repas au restaurant, de prendre un verre avec des amis, d’emmener ses enfants dans les parcs de loisirs ou encore d’accompagner nos adolescents dans les centres commerciaux. Par ailleurs, vous semblez également vouloir supprimer les cotisations patronales d’assurance maladie par une hausse de la CSG et de la TVA et faire peser sur les mutuelles et assurances privées le bon soin de rembourser l’essentiel des soins prodigués en dehors des affections de longue durée. En un mot, il ne s’agit ni plus ni moins que de privatiser notre système de santé, qui fait pourtant régulièrement la Une des médias étrangers pour sa qualité et son efficacité. Pour finir, votre porte-parole présente ce soir sur le plateau de France 2, avec une belle croix chrétienne autour du cou, se plaît à nous ré-expliquer que la famille doit être au cœur de la politique, sous-entendu clairement organisée autour d’une mère et d’un père. Oserais-je vous redire qu’il existe une multiplicité de familles en France ? Avec une Maman et un Papa, bien évidemment. Mais aussi avec deux Papas ou deux Mamans. Ou encore un Papa et « la copine de Papa ». Une Maman et « le copain de Maman ». Et parfois même juste une Maman ou tout simplement un Papa. Que dites-vous à tous ces enfants ? À cette jeunesse pour qui vous dites vous battre mais que je ne vois pas vraiment au cœur de votre programme et dans les rangs clairsemés de vos meetings.
Le flou de votre position sur le droit des femmes à disposer de leur corps au travers du droit à l’interruption volontaire de grossesse n’est pas non plus pour rassurer l’essentiel de l’électorat féminin. In fine, je n’ai pas encore 30 ans et ce que ma mère me disait encore il y a quelques années trouve étrangement écho dans l’actualité de 2016. « Nous vivons à une ère de repli sur soi, d’individualisme exacerbé et sommes vraisemblablement prêt à revenir en arrière sur bon nombre d’acquis sociaux glanés par des années de lutte ouvrière, parfois féroces et acharnées. Et les choses ne vont pas s’arranger ». Je dois avouer que je n’y croyais pas vraiment. Lors des résultats du référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne, nous avons pu constater qu’une partie de la population, âgée, peu qualifiée, semble aujourd’hui condamner l’avenir de toute une jeune génération qui croit pourtant en son futur. Et alors que tout le monde ou presque croyait dur comme fer qu’Hillary Clinton allait devenir la première femme présidente de l’Histoire des États-Unis, Donald Trump s’est imposé sur fond de rejet très clair de l’establishment américain combiné à une crise sociale majeure de la classe moyenne américaine. Les Démocrates – comme le Parti socialiste français – ont beau avoir mis en avant les bons chiffres de l’économie, il s’avère que la croissance ne profite désormais plus à tout le monde. Rien qu’à voir les résultats du nouveau Président dans la Rust Belt, on comprend rapidement le ras-le-bol des ouvriers et des employés. Pour en revenir à la France, l’élimination de Nicolas Sarkozy et le programme très à droite de François Fillon pourraient finalement priver le Front National d’une bonne partie de ses électeurs ; élément qui serait une chance pour qu’un éventuel candidat de gauche ou du centre réussisse contre tout espoir à accéder au second tour de l’élection présidentielle. Quoiqu’il en soit, il est certain que le prochain Président, sitôt élu, sera rapidement désavoué par les Français – lesquels voteront pour un bord politique opposé au pouvoir en place en 2022. L’Histoire n’est qu’un éternel recommencement. Un coup à gauche, un coup à droite. Une nouvelle tête telle qu’Emmanuel Macron arrivera-t-elle à créer la surprise et à déjouer tous les pronostics et les sondages ? Alors qu’Alain Juppé était fortement pressenti pour être le futur Président, il n’en a rien été. Ma seule consolation en ce moment est de constater que 66 % des votants de la primaire de la droite et du centre ont voté pour François Fillon, ce qui ne représente qu’un peu plus de 6,5 % du corps électoral français. Contrairement à ce que les médias voudraient nous faire croire, rien n’est joué. Le choix de société qu’on te propose en 2017 pour les cinq prochaines années mérite que chacun s’exprime. Ne l’oublie pas. Plus de 90 % des électeurs ne se sont pas encore prononcé. Alors si tu n’es pas encore inscrit sur les listes électorales, il te reste encore un peu plus d’un mois pour le faire.