Chaque année le même refrain réapparaît. Les célibataires dépriment à l’approche de la date fatidique du 14 février, les couples eux, n’en n’ont rien à faire, ou presque. On s’offre – ou non – la panoplie de cadeaux pré-conçus par le système capitaliste pour cette date spécifique, à savoir la traditionnelle boîte de chocolats en forme de cœur, les bouquets de fleurs, la lingerie et autres objets rappelant soi-disant l’amour, et dans bien des cas, de couleur rouge. Faut-il nécessairement rentrer dans ce jeu consumériste ? La réponse est sûrement non ; quand bien même on aime quelqu’un, y aurait-il vraiment besoin d’y consacrer un jour défini dans le calendrier pour se le rappeler ? A lire certains articles récemment publiés sur la Toile, on s’aperçoit que désormais, certains facteurs sont pris en compte, alors qu’ils étaient bien oubliés auparavant. Par exemple, on déchiffre l’origine et le bilan carbone des roses qui affluent chez les fleuristes : Colombie, Kenya, Pays-Bas. Lesquelles sont les plus respectueuses de l’environnement ? Lesquelles sont le plus synonymes de respect des ouvriers agricoles et de progrès social ? Bizarrement, il semblerait que les roses du Kenya, labellisées par un célèbre logo du commerce équitable, soient le cadeau le plus éthique possible, contrairement aux immenses dépenses énergétiques que nécessitent le chauffage des serres néerlandaises. Surtout en cet hiver qui n’en finit pas de nous gâter par ses vagues de froid, de neige et de températures qui remontent difficilement la barre des zéro degré.
Mais à vrai dire, que reste-t-il d’une seule chose aujourd’hui ? Cette « chose » que le Moyen-Âge avait qualifié de courtois, que le siècle des Lumières avait affublé du terme libertin, que Théophile Gautier ou Alphonse de Lamartine auraient très certainement fait rimer avec romantique. Cette chose, c’est l’amour tout simplement. Après des siècles de littérature et d’histoires tragiques qui ont parfois inspiré les plus grands opéras, depuis Tristan et Iseult, puis Roméo et Juliette ou encore Armand et Marguerite, il ne nous reste plus qu’une vague fête commerciale pour essayer de nous vanter les mérites et les bienfaits d’un sentiment que chacun d’entre nous a éprouvé au moins une fois dans sa vie et que chacun cherche à retrouver à tout prix, une fois qu’il est parti. Nous avons bien évidemment notre propre définition de ce que l’amour signifie à nos yeux, des concessions et des compromis possibles et de ce que nous en attendons en retour. Quand j’étais petit, beaucoup d’adultes m’ont donné de précieux conseils et l’un des plus prodigieux, qui fait partie de ceux qui sont restés gravés dans ma mémoire, se résumait à ces quelques mots : « Si ta petite amie est une fille que tu juges comme étant trop parfaite pour toi, épouse-la !« . A l’époque, je ne comprenais pas vraiment le sens de cette phrase, face à la relative naïveté et l’ignorance certaine dont fait preuve tout enfant, puis adolescent. Certaines expériences de la vie et de grosses déceptions de la part de certaines personnes m’ont rendu fortement amer en de certaines occasions et m’ont contraint à réaliser que peu de gens frôlent la perfection dans les relations amicales et surtout amoureuses…
Et par-dessus tout, il est complètement ironique d’assister au défilé de couples qui apparaissent solidement accrochés l’un à l’autre à l’approche de cette date fatidique qu’est le quatorze février. Le calendrier aurait au moins pu faire correctement les choses et placer cet évènement en plein été, plutôt qu’à une époque où les rhumes, gastro-entérites et grippes sont légions. Et où les pâles visages se retrouvent emmitouflés dans des vestes, des bonnets, des écharpes et des couches de vêtements à n’en plus finir. Cet hiver, bien que « normal » dans ses températures, semble bien long et bien froid. Sans doute parce que nous n’en avions plus eu de cet acabit depuis un petit temps et qu’il épuise certains organismes qui se sentent véritablement usés à l’approche du mois de mars et d’un printemps que tout le monde espère comme doux et ensoleillés. Quant à cette nouvelle Saint-Valentin, elle ne devrait pas faire oublier qu’être amoureux, ne correspond pas à aimer seulement les bons côtés de la personne qu’on aime, mais aussi à aimer ce qui ne nous plaît pas chez elle. L’amour est un bon rappel pour souligner l’importance de l’engagement et des responsabilités dans un monde qui considère très souvent l’amour comme des liaisons brèves, quand il ne s’agit pas de le confondre purement et simplement avec des relations sexuelles éphémères. Bien que tout le monde s’accorde à établir le même constat de tristesse, de déception, et d’un certain gâchis, personne ne bouge pour autant.