Il paraît que je suis actuellement classé n°1 d’un site de rencontres gay. Après vérification, il s’avère que l’information était exacte : grand bien m’en fasse car elle ne change absolument rien à ma vie quotidienne. Chemin faisant, j’essaye de ne pas dépasser les trois heures de présence dans les soirées gay de la capitale bruxelloise. En effet, on y trouve là tout ce que le fameux « milieu » a de beau – et surtout de moins beau – à offrir. Du cliché total jusqu’à ce qu’on n’imaginait pas être possible, chacun est servi. Bien évidemment, les rumeurs vont bon train : impossible de ne pas être au courant de qui couche avec qui – ou plutôt quoi selon les cas. Tous calqués sur le même moule, fiers d’arborer le petit élan, le joueur de polo ou le rectangle rouge et blanc sur leur pectoral gauche, après avoir passés plus de vingt minutes à fixer les quelques mèches rebelles de leur frange toute prête à faire pâlir celle d’un certain héros d’une comédie musicale signée Disney. La soirée peut ainsi commencer. Tu l’as compris, l’originalité n’est pas vraiment de mise. Encore moins quand les heures passent et les verres se vident, alors que le système de climatisation défectueux élimine sa condensation, goutte à goutte, sur des corps déjà complètement moites et des vêtements complètement poisseux par les nombreux paquets de cigarette consommés sur la soirée. L’alcool aidant, les regards se croisent, les mains deviennent baladeuses, les « amis » s’embrassent au rythme entêtant des remixes du moment.
Petit à petit, certains disparaissent avec leur nouveau grand amour tout fraîchement rencontré – qui aura malheureusement le privilège de ne plus avoir aucune nouvelle une fois le coup tiré. Quel coup ? Comme dirait une des mes collègues de travail lors d’une mémorable discussion sur les trottoirs de l’Avenue Louise : le « fameux » coup de bite. Eh oui, tu n’étais qu’un coup de bite, alors dégage, désolé. Allons, allons, que de vulgarité, reprenons-nous. Les mêmes qui s’éclipsèrent la semaine passée, se retrouvent avec un nouvel homme la semaine suivante, mettant en pratique le très gay adage : à chaque semaine suffit son homme, parfois même à chaque soir suffit son homme. Et par un phénomène mystérieux encore inexpliqué à ce jour : ce sont bien souvent ces hommes qui finissent ivres morts avec un garçon différent à chacune de leur apparition publique, qui clament haut et fort, qu’ils attendent le prince charmant qui les rendra heureux pour toujours. Malheureusement, passé un certain âge, après s’être « amusé » pendant des années et à défaut de s’être donné la peine de faire quelques concessions et compromis nécessaires à la construction d’une belle histoire avec un prince charmant, le « milieu charmant » leur offre la possibilité de regarder l’étalage de chair fraîche de petits éphèbes ne connaissant rien à la vie, pour assouvir des pulsions que personne ne pourrait assouvir, face à leur corps, usé par la surconsommation en tout genre et qui se traduit bien souvent par le triptyque gagnant suivant : cernes, surpoids et dépendance affective.
Heureusement, après avoir effectué un énorme tri sélectif – digne des méthodes les plus rigoureuses en la matière, directement copiées sur celles instaurées dans les pays scandinaves – il reste quelques personnes dignes de confiance, équilibrées, avec leurs hauts et leurs bas, mais prêtes à offrir leur sincérité et leur naturel à leur semblables. Bien souvent, ces quelques garçons deviennent bizarrement des amis, à croire que le côté sadomasochiste qui sommeille en nous tous, aime à nous faire nous aventurer en terrain amoureux avec les mauvaises personnes. Rien d’étonnant à ce qu’aucune histoire ne dure avec des gens qui cherchent à tout prix à oublier leurs soucis avec l’amour et l’affection d’un autre. Mais même lorsque l’amour s’installe, elles continuent à sortir constamment en boîte pour soi-disant « profiter » de la vie, sous couvert de la consumer rapidement comme une cigarette. Bien malheureuses doivent être les personnes qui réagissent de cette manière pour s’aveugler de leurs problèmes, au lieu d’y trouver une véritable solution, par elles-mêmes ou avec l’aide de quelqu’un. Il existe pourtant tellement d’autres distractions, toutes aussi intéressantes et toutes aussi moins nocives pour la santé, que de passer la plus claire partie de ses loisirs dans un milieu superficiel au possible, où le bonheur et le plaisir ne sont qu’éphémères, situés à des années lumières de ce que recherchent la plupart des garçons qui s’y retrouvent pourtant. Gageons que certains continuent toujours à faire la part des choses.