Depuis 1977, le Parti Socialiste en rêvait. Adeline Hazan l’a fait. Conquérir la mairie de Reims était une tâche extrêmement difficile quand on connaît le passé royaliste, bourgeois et conservateur de la ville. Mais plus qu’une victoire de la gauche, il est important de souligner que le choix de la majorité des votants a été un choix indépendant de tout clivage politique. Qu’il s’agisse de Renaud Dutreil, ancien ministre des PME, fraîchement parachuté quelques mois avec les élections ou de Catherine Vautrin, ancienne ministre de la cohésion sociale, qui représentait non pas le changement mais la continuité de la politique de l’ancien Maire Jean-Louis Schneiter, les deux candidats de droite étaient avant tout des députés à l’Assemblée Nationale, qui ont surtout passé leur temps à Paris ces dernières années. Adeline Hazan, certes députée européenne, a passé ces sept dernières années à suivre les dossiers de la ville en tant que chef de l’opposition au conseil municipal. Son élection est donc légitime. Le score sans appel qu’elle a réalisé, à la sortie des urnes et à l’issue du second tour, témoigne de l’engouement des Rémois et des Rémoises pour cette femme qui a su persévérer dans une conquête qui n’était pas gagnée. Et dire qu’il y a quelques jours encore, on entendait Catherine Vautrin appeler à faire barrage à la gauche socialo-communiste, comme si les chars soviétiques étaient prêt à débarquer Place Drouet d’Erlon.
Plus généralement, la ville de Reims vient de tourner une page de son histoire. Pendant près de 25 ans, les familles Falala et Schneiter ont eu la main mise sur la ville et l’agglomération rémoise. Reims doit désormais ouvrir ses portes au XXIème siècle et trouver d’autres cartes à jouer que le champagne et sa cathédrale. L’évènement phare de ce nouveau mandat municipal sera bien entendu l’inauguration du tramway d’ici à fin 2010. Mais d’autres projets majeurs devront être menés à bien pour faire de Reims une métropole incontournable dans le paysage français. Le week-end dernier, mon meilleur ami belge est tombé sous le charme de cette ville où défilèrent la majorité des Rois de France pendant de nombreux siècles. En reprenant mot à mot ses propos, il m’a remercié de l’avoir accueilli à bras ouverts dans « une belle ville, avec un excellent patrimoine gastronomique et une richesse viticole exceptionnelle ». Le constat que beaucoup d’habitants ont tiré depuis quelques mois est que Reims est une ville qui a les moyens de rayonner au niveau national mais qu’un quart de siècle de gestion de la ville par différents équipes de droite n’a pas réussi à redorer le blason de la plus grande ville de la région Champagne-Ardenne.
Bien entendu nul ne peut ignorer que certaines voix se sont portées sur les nombreux candidats socialistes au regard de la situation nationale. Il est tout de même stupéfiant que la majorité au pouvoir ne se rende pas compte que les Français n’ont rien contre les réformes mais sur la manière dont elles sont menées. Comment prétendre lutter pour le pouvoir d’achat en instaurant une franchise, certes minime, sur l’accès à la santé ? Ou encore oser affirmer que les Français peuvent gagner plus en travaillant plus ? Au lieu de soulever réellement la question de la redistribution des bénéfices en augmentant les salaires, le gouvernement Fillon préfère demander aux gens de travailler plus. Quoiqu’il en soit, qu’elle se soit présentée sous les couleurs de la droite comme celle de la gauche, Adeline Hazan aurait été élue, quelque soit son bord politique, pour son action de proximité avec la population rémoise depuis de nombreuses années. Cette fois-ci les votants ne s’y sont pas trompés : pour être élu, il faut faire preuve de connaissance du terrain et surtout de dialogue avec les électeurs qui nous jugeront éligible ou non à porter ce mandat. Au final, il ne fait nulle doute que le champagne a toujours été un excellent breuvage, mais qu’il se savoure encore plus lorsqu’il est rosé.