Depuis un mois, mon quotidien se résume à mon travail, mes allers-retours en TGV, mes jours de congés passés à dormir et profiter de mon temps libre. Je n’irais pas jusqu’à dire que chaque jour est une partie de plaisir mais globalement j’aime ce que je fais. Le 260 Faubourg Saint-Honoré ne désemplit quasiment jamais sauf lors des dimanches froids et pluvieux. Puis, il y a quelques plaisirs quotidiens comme ceux de pouvoir prendre sa pause déjeuner en admirant l’Arc de Triomphe ou bien encore de s’asseoir dans le Parc Monceau, le visage à peine réchauffé par le faible soleil hivernal. Viennent aussi les clients de tout horizon, dépensant vingt euros ou presque autant que mon salaire mensuel, simples inconnus ou vedettes du petit écran. C’est ainsi que je me suis retrouvé à servir Yoann Sover un samedi après-midi et Carole Rousseau un jeudi soir. Soit dit en passant cette dernière est encore plus belle en vrai qu’à la télévision : une femme d’environ un mètre quatre-vingts et aux magnifiques cheveux châtains, à la beauté naturelle, à la simplicité et à la gentillesse exemplaire. Pour finir, il règne aussi une bonne ambiance de travail, sans compter sur les nombreux avantages qu’offre la maison comme l’autorisation d’emporter les restes de gâteaux, tartes, cakes, madeleines, financiers, cannelés, macarons et autres gourmandises qui n’ont pas été consommés par les clients du salon de thé à la fin de la journée.
Cependant il reste le facteur inconnu : mon contrat se terminant le 30 décembre, qu’adviendra-t-il de moi après cette date ? Me proposera-t-on un nouveau CDD ou un CDI ? Mon expérience chez Mariage Frères s’arrêtera-t-elle ici ? Le responsable du magasin a fait remonter au responsable des magasins ses impressions sur mon premier mois de travail et le constat m’a été exposé : il est très satisfait de mon intégration et du travail que j’effectue. Oui, mais il y a un « mais ». Comme tout magasin, les périodes de fêtes de fin d’année obligent les entreprises à embaucher provisoirement pour faire face à l’augmentation d’activité et je commence à me dire que ce contrat à caractère exceptionnel ne sera pas prolongé. Et même s’il venait à l’être, je commence à douter de mes capacités à vivre à Paris comme à devoir accepter que la moitié de mon salaire – voire plus – parte dans le prix d’un loyer d’à peine 20 mètres carrés. La capitale française reste jolie en films, en clichés de photographie et sur les cartes postales mais elle perd en splendeur au quotidien. La plupart des gens semblent tristes, démoralisés, perdus dans leurs pensées grisonnantes et il ne manque plus que l’éclairage blafard des néons des rames du fameux Métropolitain pour obtenir l’ambiance morose d’une journée d’hiver qui commence à Paris.
Il y a eu une époque où je rêvais à tout prix de vivre à Paris, période où je ne réalisais pas les sacrifices que cela impliquait. Le temps passant j’éprouve surtout du mal à trouver ma place professionnelle dans notre chère société française. Je vais d’ailleurs probablement entrer en contact avec les nombreuses maisons de champagne basées à Reims pour savoir si des postes seraient à pourvoir, auquel cas je préfèrerais travailler dans ce domaine plutôt que dans le thé. Au pire, je peux toujours essayer de négocier un emploi à mi-temps chez Mariage Frères, histoire de ne pas rester à rien faire. Mais une chose est sûre, je ne peux plus tenir ce rythme effréné d’allers-retours en TGV, matin et soir, tous les jours. Je cours la plupart du temps, encore plus en cette période de fin d’année. Je viens de l’ouverture du Bazar de l’Hôtel de Ville, rue de Rivoli, un matin pour dénicher les cadeaux de Noël de mes nièces. Le lendemain, je me suis dépêché d’aller chercher un autre cadeau, pour ma mère cette fois-ci, chez Hermès en bas de la rue du Faubourg Saint-Honoré. Et ce n’est que le commencement, mais je peux surtout me dire que c’est la dernière ligne droite avant la fin du mois. Même si mon contrat ne sera probablement pas renouvelé, je pourrais me dire que j’ai réussi le pari que je m’étais lancé à moi-même et surtout que j’ai réussi ma première vraie expérience professionnelle.