Parfois il suffit d’une soirée calme pour se relaxer, laisser le temps s’écouler doucement, et réfléchir à la vie, parfois un peu trop même. Chemin faisant, je repense à moi, à ce que je suis. Un jour viendra où maman et papa devront affronter la réalité, leur fils adoré n’aura pas la vie rêvée qu’ils avaient imaginé pour lui. Le sentiment de culpabilité s’installe : qu’ont-ils bien pu faire pour mériter ça ? Là où ils ont toujours veillé sur moi, m’ont toujours offert ce que je voulais, je les décevrai forcément, d’une certaine manière. Alors j’aurais envie de leur dire par avance « Pardon » ; pardon pour briser les espérances de descendance ; pardon pour causer tant de questions ; pardon pour devoir dire à leurs amis « mon fils et son copain » et tant d’autres gênes que la révélation créera. A quoi ressemblera un Noël où je resterai quand même à part, à infliger ma différence aux invités, à la famille proche ou encore à mes nièces ? Tout parent se pose inévitablement des questions même s’il l’accepte, à se demander quelle faille possible a pu avoir lieu dans son éducation. Alors je ne pourrais que dire que rien n’a été raté, que j’aurais aimé être le fils modèle. Mais cette période de l’adolescence où l’on se ment à soi-même, à essayer d’être « normal », à feindre un intérêt prononcé sur la féminité, à se faire du mal mais surtout à faire du mal à ces mêmes femmes qui ont cru que je pourrais un jour fonder une famille avec elles pour certaines : cette période est révolue.
L’époque où chaque journée voyait défiler son flot interminable de questions sans réponse est sur sa pente déclinante même si quelques unes parviennent toujours à me tracasser de temps en temps. Ces mêmes années où je me suis enfermé dans mon cocon à écouter de la musique dans le seul but de faire passer le temps et à m’évader du monde qui me semblait si hostile et si différent de moi. Certaines interrogations se sont éclipsées tout simplement sans avoir obtenu de réponses mais d’autres deviennent un peu plus importantes chaque jour. Comment le dire ? A quel moment ? Quelle sera la réaction ? Qu’est-ce que la connaissance changera à l’avenir ? Mais au fond, toujours ce sentiment de culpabilité d’imposer des gênes à des personnes que j’aime et auxquelles je préfèrerais ne pas avoir à le faire. J’étais le copain gay, je suis désormais le queer dans le groupe d’étudiants Erasmus et je serai le fils pédé, indéniablement. Un évènement m’a pourtant agréablement surpris lors du dîner d’au revoir aux étudiants qui ne restaient qu’un semestre, mon livre de contacts a été dédicacé de beaucoup de messages positifs notamment de la part d’Allemandes qui aimeraient m’adopter pour avoir constamment affiché un grand sourire, pour avoir été enclin à l’ambiance festive et aussi quelques messages qui aimeraient m’hétérosexualiser. Grit a déposé à mon sens le message le plus touchant, à me souhaiter que le soleil affiché sur mon visage puisse aussi s’introduire dans mon cœur.
En quatre mois, des gens ont appris à me connaître, à m’apprécier comme je suis, à « deviner » ma sexualité mais aussi, fait pour le moins troublant, mon état mental. La question qui s’amène à moi désormais repose sur une évidence, si en quatre mois des gens que je ne voyais qu’au grand maximum que 3 à 4 fois par semaine ont réussi à en tirer leur conclusion, comment mes parents qui me connaissent depuis si longtemps, et surtout ma mère, pourraient ne s’être rendu compte de rien jusqu’à présent ? J’imagine qu’il y a une part de respect de leur part de ne pas vouloir lancer le sujet de peur que je me braque, tout en ajoutant aussi une part d’espoir que ces signes avant-coureurs ne soient finalement qu’une illusion. Je sais que la vie n’est facile pour personne mais je pense qu’elle aurait pu être plus simple si j’avais pu choisir ce que je suis. Et à tous ceux et celles qui peuvent penser que ma situation résulte d’un choix, j’aimerais pouvoir leur dire que je ne l’ai en rien décidé et que si j’avais pu être différent, j’en aurais surement fait le choix. Néanmoins, les faits sont là et je dois m’en accommoder tout en essayant de blesser le moins de monde possible et en m’efforçant d’être moi-même après avoir compris que l’on ne peut vivre en cachant une part de soi-même ou en laissant passer chaque jour sous des faux-semblants.
Ton récit est d’une délicatesse, d’une intelligence rare. L’amour est le filigrane de tes pages, il vit sous ta plume. Le choix de tes images est aussi le reflet de ta beauté intérieure.
merci de nous faire partager des moments rares, une vérité parfois cruelle mais tellement sincère.